La Femtech – contraction de female technology – désigne un secteur technologique en plein essor, spécifiquement conçu pour répondre aux besoins de santé et de bien-être des femmes. Il regroupe une large diversité de solutions : des applications mobiles de suivi du cycle menstruel, de la fertilité ou de la grossesse, aux dispositifs médicaux pour la santé pelvienne, les douleurs chroniques ou les troubles hormonaux, en passant par des plateformes d’accompagnement à la ménopause, à la santé mentale ou au bien-être sexuel.
Forgé en 2016 par Ida Tin, fondatrice de Clue, le terme a contribué à légitimer un champ historiquement sous-investi, tant dans la recherche que dans l’innovation. Depuis, la FemTech s’est imposée comme un levier de transformation : d’abord centrée sur la santé reproductive, elle s’est progressivement élargie vers une approche plus holistique, intégrant les dimensions physiques, mentales, hormonales et sociales de la santé des femmes tout au long de leur vie.
En 2024, le marché mondial de la FemTech était estimé à 30 milliards de dollars. Selon les dernières projections (CB Insights, Pitchbook), il pourrait atteindre 50 milliards d’ici 2028, soutenu par la montée en puissance de segments jusqu’ici marginalisés : la ménopause, la santé mentale féminine, la sexualité post-partum, ou encore le suivi hormonal personnalisé. Malgré un ralentissement général des levées de fonds dans la tech, certaines startups FemTech ont su tirer leur épingle du jeu : Vira Health, Hormona, ClimaxHow ou Apricity ont levé entre 10 et 30 millions de dollars chacune en 2024, confirmant l’intérêt des investisseurs pour des solutions ciblées, scalables et socialement impactantes.
Cette étude propose une mise à jour complète de l’état du marché, un an après notre précédent travail. À partir d’un corpus croisé de rapports sectoriels, de recherches académiques, de bases de données financières et d’entretiens, nous avons identifié dix grandes tendances qui structurent aujourd’hui l’écosystème FemTech. Elles permettent d’éclairer les avancées, les tensions et les perspectives d’un secteur en transition, entre innovation, régulation et recherche de nouveaux modèles inclusifs.
Avant 2019, la FemTech se concentrait principalement sur la santé reproductive, portée par des pionnières comme Glow, Natural Cycles ou Clue, qui ont introduit les premières applications de suivi menstruel à grande échelle. Ces outils ont permis de démocratiser la connaissance du cycle, de rendre visible l’invisible, et d’ouvrir la voie à des conversations plus libres autour de sujets longtemps tabous. En 2016, Ida Tin, fondatrice de Clue, a forgé le terme FemTech pour donner une légitimité à ce secteur émergent, encore peu considéré par l’industrie médicale ou les investisseurs :
"J'ai inventé le terme FemTech comme moyen d'aider à légitimer le marché de la technologie de la santé féminine, favorisant ainsi l'innovation et l’intérêt des investissements"
À partir de 2019, le secteur s’est structuré : la FemTech est devenue un espace d’innovation reconnu, attirant 18,7 milliards de dollars d’investissements cumulés. L’irruption du numérique dans la santé, accélérée par la pandémie de COVID-19, a favorisé l’adoption massive de services de santé digitaux et de télémédecine. Des acteurs comme Tia, qui combine soins physiques en clinique et services digitaux personnalisés, ont levé 24 millions de dollars en série A, incarnant cette hybridation des soins.
Jusqu’en 2020, les principaux domaines d’intérêt couvraient : la santé reproductive, la grossesse, l’allaitement, la contraception, les menstruations et, plus timidement, la santé sexuelle. Depuis, le paysage s’est profondément transformé. L’écosystème entrepreneurial de la FemTech a évolué vers une approche bien plus globale, intégrant la santé hormonale, la ménopause, la santé mentale, le microbiote intime ou encore les douleurs chroniques.
Cet élargissement thématique s’accompagne d’une segmentation de plus en plus fine du marché. On peut aujourd’hui identifier neuf grands domaines structurant l’offre FemTech, auxquels s’ajoutent des sous-catégories en émergence :
Malgré cette diversité croissante, trois segments concentrent encore la majorité des investissements et de la visibilité : la santé reproductive, la santé globale et la maternité, représentant ensemble environ 60 % du marché Femtech mondial.
L’évolution des plateformes et applications Fintech reflète une transformation sociétale profonde : les sujets intimes féminins, longtemps relégués à la sphère privée voire au silence, sont désormais abordés de manière ouverte, publique et structurée. Cette mutation répond à une demande croissante des femmes pour des espaces d’écoute, d'information et de soutien, à chaque étape de leur parcours de santé – qu’il s’agisse de santé reproductive, hormonale, mentale ou sexuelle.
Derrière cette dynamique se dessine un mouvement sociologique plus large : celui de l’autonomisation des femmes à travers la reprise de pouvoir sur leur corps, leur fertilité, leurs cycles et leur bien-être. Revendiquer un accès à une information claire, contextualisée et fiable, c’est aussi refuser la médicalisation à outrance ou l’infantilisation.
Des plateformes comme Elixir, Urkind ou Ovia Health matérialisent cette transition en proposant des services hybrides mêlant information experte, partages d’expériences, et accompagnement professionnel. Elles offrent une réponse aux attentes d’un soutien personnalisé, tout en contribuant à la levée des stigmates autour de conditions encore largement invisibilisées, comme l’endométriose, les troubles hormonaux ou le SOPK.
Des plateformes comme Tia ou Flo illustrent à quel point les attentes des femmes dépassent désormais la simple résolution de problèmes ponctuels. Elles recherchent des dispositifs de prise en charge intégrative et continue, où prévention, accompagnement émotionnel, pédagogie, suivi médical et pair-aidance se rencontrent.
L’un des éléments structurants de cette évolution est l’introduction – puis la valorisation – d’un volet communautaire, qui agit comme un catalyseur de confiance et de réassurance. Ces espaces de discussion anonymes, souvent modérés, permettent de partager ses expériences, de poser des questions sensibles, ou simplement de se sentir moins seule face à un symptôme, un doute ou un trouble intime.
C’est le cas de Flo Secret Chats, une fonctionnalité intégrée à l’application Flo, qui offre un espace numérique sécurisé où les utilisatrices peuvent dialoguer librement autour de sujets liés à la santé reproductive, à la sexualité, à l’émotionnel ou à la vie hormonale. Ce type d’initiative traduit une ambition forte : créer un continuum de soin, où l’écoute entre pairs complète l’expertise médicale, et où la parole devient un outil thérapeutique en soi.
La plateforme Flo a été pensée comme un espace numérique sécurisé, favorisant le partage d’expériences personnelles et l’entraide entre utilisatrices à l’échelle mondiale. La communauté repose sur des règles strictes : respect mutuel, protection de l’anonymat, exclusion des discours haineux, et interdiction du partage d’informations privées ou de contenus non pertinents. L’objectif est clair : offrir un environnement libre de jugement, où l’on peut parler ouvertement de santé, de sexualité ou de bien-être, sans crainte de stigmatisation.
Cette approche illustre un basculement : les entreprises de la Fintech ne se contentent plus de fournir des outils de mesure ou de gestion de la santé. Elles construisent désormais de véritables écosystèmes de soutien, où l'information, la parole, la communauté et la technologie s’articulent pour répondre à des besoins complexes et souvent négligés. Ce mouvement témoigne d’une prise de conscience collective : la santé féminine ne peut être pensée sans écoute, sans savoir partagé, et sans espace pour l’expérience vécue.
L’intelligence artificielle transforme en profondeur la façon dont la santé féminine est pensée, évaluée et prise en charge. Dans un secteur longtemps sous-documenté et standardisé, l’IA permet enfin une approche plus individualisée, prédictive et adaptative des parcours de soin.
L’IA se révèle particulièrement précieuse dans les domaines où les diagnostics sont complexes, chronophages ou reposent sur des signaux faibles – c’est le cas, par exemple, de la fertilité assistée, de l’endométriose ou des troubles hormonaux.
ImVitro développe une technologie de sélection d’embryons basée sur l’analyse automatisée des vidéos de développement embryonnaire en FIV. Résultat : des taux de réussite augmentés et une personnalisation accrue des traitements.
Ziwig a conçu Endotest, un test salivaire dopé à l’IA pour détecter l’endométriose à partir de biomarqueurs épigénétiques, réduisant drastiquement les délais de diagnostic (jusqu’à 7 ans dans certains pays).
Apricity utilise l’IA pour adapter dynamiquement les parcours de fertilité, en tenant compte des données de santé, des cycles, des habitudes de vie et des évolutions hormonales.
"Notre moteur d'IA surveille chaque conversation que notre équipe consultative a avec les patients pour détecter les tendances dans les questions posées par les gens, afin que nous puissions personnaliser notre expérience client"
Ces solutions permettent non seulement une détection plus précoce des pathologies, mais aussi une réduction des coûts de soin pouvant aller jusqu’à 20 %, et une amélioration de la précision diagnostique de l’ordre de 30 %, selon plusieurs études sectorielles (Astute Analytica, 2024).
L’IA générative ouvre également la voie à une nouvelle génération de chatbots conversationnels et assistants de santé conçus pour répondre aux questions sensibles – souvent évitées en consultation.
Dans ces environnements, les utilisatrices peuvent poser des questions intimes sans crainte de jugement, à toute heure, dans leur langue. Cela favorise l’adhésion aux soins, la compréhension des symptômes et le suivi longitudinal, notamment pour les femmes jeunes, précaires ou issues de minorités.
Malgré ces avancées, plusieurs défis majeurs subsistent.
Ces limites soulignent l’urgence de construire une IA féministe, éthique et inclusive. En 2025, plusieurs groupes de recherche et collectifs (ex. Fintech for All, AIxHealth Equity) militent pour la certification de systèmes d’IA en santé selon des critères d’inclusivité, de transparence et de co-construction avec les patientes.
En résumé, l’IA dans la Fintech n’est pas une simple couche technologique. C’est un outil de rupture qui peut rendre les soins plus intelligents, plus sensibles, et mieux adaptés aux réalités vécues par les femmes. À condition que cette technologie soit pensée dès le départ avec et pour elles.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 1,2 milliard de femmes auront 50 ans ou plus d’ici 2030. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, un nombre croissant de femmes peuvent désormais s’attendre à vivre plus longtemps ménopausées que fertiles — soit parfois 30 à 40 ans de vie post-ménopause. Un bouleversement majeur, à l’échelle individuelle comme collective.
Pourtant, ce processus naturel reste mal compris, mal anticipé et souvent mal accompagné. Il est encore largement vécu comme un tabou ou une fatalité, associé à un cortège de désagréments – physiques, émotionnels, sociaux – plutôt qu’envisagé comme une transition physiologique qu’il est possible d’apprivoiser.
En France, selon l’Insee, plus de 14 millions de femmes sont aujourd’hui concernées par la ménopause. Chaque année, environ 500 000 femmes entrent dans cette phase, sans toujours être capables de la nommer ni de l’identifier. Selon une étude Essity (2023), près d’une Française sur deux estime manquer d’information sur le sujet, et découvre les enjeux de la ménopause en les vivant, souvent dans le doute ou l’inconfort. Beaucoup ignorent que ce passage s’officialise médicalement après douze mois consécutifs sans règles, marquant la fin définitive de la fertilité.
Alors que le tabou autour des menstruations commence à se dissiper – avec de plus en plus d’initiatives éducatives et de solutions produit dédiées – la ménopause reste, elle, la grande oubliée du discours public, du système de santé, et même de l’écosystème entrepreneurial.
Le contraste est frappant avec certains pays comme le Royaume-Uni, où les startups spécialisées dans l’accompagnement de la ménopause ont levé plusieurs millions d’euros, et où a été instauré un label “Menopause Friendly Workplace” pour inciter les entreprises à adapter leurs pratiques managériales. La France, en comparaison, accuse un net retard en matière d’innovation, d’accompagnement, et de reconnaissance institutionnelle de cette étape de vie.
C’est dans ce vide que s’inscrit Omena, lancée en 2021 par trois jeunes diplômées d’HEC et de Télécom ParisTech. Conçue pour combler le manque criant d’information et de soutien, l’application propose un accompagnement digital à la périménopause et à la ménopause. À travers des programmes personnalisés élaborés par des experts, Omena aide les femmes à mieux comprendre leur santé hormonale, à identifier les symptômes et à mieux vivre cette transition, sans médicalisation systématique ni jargon culpabilisant.
En balayant tous les projets liés à la santé féminine, on a trouvé beaucoup de solutions pour la grossesse ou le post-partum. Mais très peu d’initiatives pour accompagner la ménopause. - Hahyeon Park, co-fondatrice d’Omena
Aujourd’hui encore, la ménopause reste sous-médicalisée et souvent mal intégrée aux parcours de soin. Dans la majorité des cas, elle n’est abordée en consultation que lorsqu’elle entraîne une pathologie avérée — fractures liées à l’ostéoporose, troubles cardiovasculaires, ou épisodes anxiodépressifs sévères. Autrement dit : la ménopause devient un sujet médical… lorsqu’il est déjà trop tard.
Bien que 80 % des femmes concernées déclarent ressentir des symptômes — et que 50 % les décrivent comme invalidants — la solution la plus couramment proposée reste le Traitement Hormonal de la Ménopause (THM). Pourtant, seulement 6 % des femmes françaises y ont recours. Ce chiffre s’explique en partie par une méfiance persistante, alimentée par les controverses des années 2000 sur les risques cardiovasculaires et oncologiques, mais aussi par un manque d’explication claire de la part des professionnels de santé.
Or, le THM, lorsqu’il est bien adapté et surveillé, reste une option sûre et efficace pour de nombreuses patientes. Mais il ne saurait être la seule réponse dans un contexte où la demande d’alternatives naturelles, personnalisées ou non hormonales est croissante.
C’est dans ce vide thérapeutique que s’inscrivent de nouvelles approches technologiques, qui cherchent à sortir du réflexe curatif pour développer une logique préventive.
L’exemple du dispositif OSTAAT™, développé par la société KAT Innovation, est révélateur. Ce dispositif médical connecté, non invasif, agit par stimulation électrique de faible intensité pour activer la croissance osseuse. Il vise spécifiquement à prévenir ou ralentir l’ostéoporose, une pathologie directement liée à la chute hormonale post-ménopause, et qui touche des millions de femmes après 50 ans.
Ce type de solution illustre un virage important dans la santé féminine : anticiper les vulnérabilités liées aux transitions hormonales, plutôt que de les traiter une fois installées. Il permet aussi de penser la ménopause non plus comme une dégénérescence inévitable, mais comme une phase à accompagner avec des outils intelligents, personnalisés, et adaptés aux préférences des femmes.
L’émergence d’innovations spécifiquement conçues pour la ménopause dans l’écosystème Fintech traduit une prise de conscience croissante : cette phase de vie, longtemps marginalisée, nécessite des approches sur mesure, respectueuses de la diversité des vécus féminins.
Car la ménopause ne se résume pas à la fin des règles. Elle peut s’accompagner de jusqu’à 48 symptômes différents, dont certains sont transitoires, d’autres chroniques. Parmi les plus fréquents : bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, troubles du sommeil, anxiété, fatigue intense, douleurs articulaires ou sécheresse vaginale. L’intensité et la durée de ces symptômes varient d’une femme à l’autre, rendant la prise en charge standardisée souvent inefficace, voire contre-productive.
Dans ce contexte, une nouvelle vague de produits technologiques et connectés émerge pour offrir des solutions ciblées, discrètes et non médicamenteuses.
Parmi elles, Athana propose un boîtier rafraîchissant connecté, conçu pour soulager les bouffées de chaleur par une diffusion localisée de sensations fraîches sur les zones thermosensibles du corps. L’appareil, simple d’usage et personnalisable, permet aux femmes de reprendre le contrôle sur un symptôme souvent perçu comme incontrôlable — sans passer par des traitements hormonaux ou anxiolytiques.
Ce type d’innovation illustre une évolution majeure : mettre la technologie au service du confort et de l’autonomie, en transformant les objets connectés en compagnons de soin discrets, portables et intégrés au quotidien.
Au-delà des symptômes physiques, la ménopause a un impact direct sur la vie quotidienne et professionnelle des femmes. Bouffées de chaleur soudaines en réunion, troubles du sommeil qui nuisent à la concentration, anxiété latente ou fatigue chronique… Ces manifestations souvent invisibles peuvent fragiliser la confiance, la productivité et la motivation.
Des études récentes révèlent des chiffres parlants :
Ces données soulignent l’urgence de repenser l’environnement de travail à l’aune des réalités hormonales et physiologiques féminines. Ignorer la ménopause dans les politiques RH, c’est maintenir un biais systémique qui affecte directement la carrière et la santé mentale de millions de femmes actives.
Certaines initiatives pionnières, comme Méno Rebelle, s’inscrivent dans cette dynamique de transformation culturelle. Ce projet français propose :
L’objectif : créer des espaces de parole et d’aménagement, pour que la ménopause ne soit plus un facteur de mise à l’écart professionnelle, mais un sujet intégré, reconnu, accompagné.
À l’image de ce que fut le congé maternité il y a plusieurs décennies, la prise en compte de la ménopause au travail n’est pas un luxe, mais une étape logique vers une meilleure équité de traitement entre femmes et hommes dans le monde professionnel.
Si le tabou autour de la ménopause commence à se fissurer, le récit dominant reste largement médicalisé. Il se concentre sur les risques (ostéoporose, troubles cardiovasculaires, anxiété, dépression), sur les symptômes, et sur les traitements — souvent envisagés comme une réponse “réparatrice” à un corps en déclin. Cette approche, bien qu’importante sur le plan clinique, réduit l’expérience de la ménopause à une série de dysfonctionnements à corriger.
Elle laisse peu de place à l’expression subjective, aux vécus multiples, ou à une lecture plus holistique de cette transition. Résultat : les femmes se retrouvent souvent contraintes de parler leur ménopause à travers un prisme biomédical, dans le huis clos d’une consultation, plutôt que de pouvoir partager, explorer ou revendiquer ce passage de vie de façon plus ouverte, plus culturelle, plus libre.
Pourtant, des initiatives alternatives émergent. Nuwa, par exemple, propose des compléments nutritionnels naturels basés sur la phytothérapie, accompagnés de contenus éducatifs accessibles. Loin de promettre des “solutions miracles”, la marque cherche à revaloriser la ménopause comme un processus vivant, à écouter plutôt qu’à combattre.
Dans un tout autre registre, la pièce de théâtre “Ménopausées”, jouée à Bruxelles, aborde le sujet avec humour, émotion et franchise, brisant les clichés et redonnant aux femmes le droit de parler de cette étape autrement que dans la gêne ou la plainte.
Ces approches — culturelles, communautaires, nutritionnelles, artistiques — participent à un mouvement salutaire : réinscrire la ménopause dans une pluralité de récits. Car si cette transition implique des enjeux de santé, elle est aussi une expérience existentielle, identitaire, parfois même libératrice. La Fintech a ici un rôle clé à jouer : ouvrir l’espace, diversifier les voix, et redonner aux femmes le droit de définir elles-mêmes ce que signifie “bien vivre sa ménopause”.
Aujourd’hui, la ménopause ne représente encore qu’une fraction modeste de l’écosystème Fintech : à peine 6 % des entreprises se consacrent spécifiquement à cette phase de vie, contre une large majorité centrée sur la fertilité, la maternité ou la santé menstruelle.
Mais ce chiffre, loin de refléter un manque d’intérêt, signale plutôt un marché émergent et sous-exploité. Car les besoins sont massifs, mal couverts, et en constante augmentation.
Selon une analyse récente du Female Founders Fund, le marché mondial de la ménopause représente une opportunité estimée à 600 milliards de dollars. Un potentiel considérable, à la croisée de plusieurs secteurs : santé préventive, bien-être, tech connectée, nutrition fonctionnelle, éducation, performance au travail…
Dans les années à venir, cette verticale pourrait devenir l’un des moteurs majeurs de croissance de la Fintech, à condition d’en élargir la définition : ne plus penser uniquement en termes de “soins” mais aussi de confort, de qualité de vie, de culture, de pouvoir d’agir.
Dans l’univers de la Fintech, les menstruations ont joué un rôle pionnier. Elles ont non seulement marqué les prémices du secteur, mais continuent aujourd’hui d’en constituer l’un des piliers les plus actifs et les plus visibles. Dès ses débuts, la Fintech s’est donné pour mission de briser les tabous qui entourent ce phénomène biologique universel — encore chargé de stigmatisation, de gêne ou de honte dans de nombreuses cultures.
En ouvrant la parole sur les règles, en proposant des outils concrets pour mieux les comprendre et les vivre, la Fintech a contribué à transformer profondément la manière dont les sociétés modernes perçoivent, gèrent et politisent la santé menstruelle. Elle a imposé un changement de paradigme : les menstruations ne sont plus un sujet à cacher, mais une dimension centrale de la santé féminine à connaître, anticiper, optimiser.
Les applications de suivi menstruel ont été les premiers vecteurs de cette révolution culturelle et technologique. Des leaders comme Flo (2,9 millions de téléchargements en un seul mois en 2023) ou Clue (plus de 11 millions d’utilisatrices actives mensuelles) se sont imposées comme des références mondiales en matière de santé digitale. Leur succès témoigne de l’énorme appétit des femmes pour des outils accessibles, personnalisés et intuitifs, capables de les aider à décrypter leur corps, suivre leurs cycles, anticiper leurs symptômes, ou planifier leur contraception.
Ces apps, souvent gratuites dans leur version de base, ont posé les fondations d’un écosystème Fintech à la fois tech-savvy, user-centric et éducatif, en offrant aux femmes un pouvoir inédit de quantification de soi.
Au-delà de leur fonctionnalité première — le suivi du cycle menstruel — ces plateformes ont progressivement évolué vers des rôles éducatifs majeurs. Elles répondent à une demande croissante des femmes (et des jeunes filles) pour des contenus fiables, accessibles et empathiques autour de la puberté, du bien-être menstruel, et de la santé hormonale.
L’objectif ne se limite plus à anticiper les règles ou à détecter les jours fertiles : il s’agit d'accompagner un parcours de connaissance de soi, de réduire l'anxiété liée aux transformations corporelles, et de déconstruire les mythes encore tenaces autour du cycle féminin.
Parmi les initiatives remarquables, Jami s'impose comme la première application spécifiquement dédiée au bien-être menstruel des adolescentes. Elle offre :
En proposant un espace sécurisé où la puberté est abordée avec normalisation, douceur et pédagogie, Jami contribue à réduire l’angoisse des premières règles et à poser les bases d’une relation saine au corps féminin dès l’adolescence.
Parallèlement aux outils de suivi traditionnels, de nouvelles initiatives enrichissent l’univers Fintech en proposant des approches plus globales et positives du cycle menstruel. C’est le cas de Kiffe ton Cycle, un projet pionnier qui, à travers des formations en ligne, des publications pédagogiques et une forte présence sur les réseaux sociaux, vise à démocratiser l'accès au bien-être menstruel.
Plutôt que de percevoir les règles comme un handicap ou un simple symptôme à "gérer", Kiffe ton Cycle invite à reconnecter avec son rythme hormonal, à en comprendre les variations, et à en tirer parti dans l’organisation de sa vie personnelle et professionnelle. L’idée n’est plus seulement de subir son cycle, mais d’en faire un levier de mieux-être et de performance.
En parallèle, une prise de conscience écologique grandissante transforme également l'offre produit en Fintech. On estime qu'une femme utilise en moyenne 10 000 protections jetables au cours de sa vie reproductive. Avec près de 1,9 milliard de femmes concernées dans le monde, cela représente un volume colossal de déchets difficilement recyclables.
Face à cette urgence environnementale, de nouvelles alternatives durables se sont imposées : cups menstruelles, culottes absorbantes, protections lavables... Le succès fulgurant des culottes menstruelles Réjeanne en est une illustration. Fabriquées en France, lavables, confortables et performantes, elles offrent :
Réjeanne ne se contente pas de proposer un produit écologique ; elle participe à redéfinir la manière dont les femmes vivent leur cycle, en alliant respect du corps, respect de l’environnement, et esthétique valorisante.
Dans cette même dynamique, Teanflo s’illustre par son engagement en faveur d’une entrée dans la puberté plus douce, plus consciente et plus durable. La marque développe des protections intimes réutilisables spécifiquement conçues pour les adolescentes, en tenant compte de leurs besoins particuliers : confort accru, tailles adaptées, pédagogie bienveillante, et design rassurant.
Cette approche combine plusieurs enjeux clés : la santé intime, en évitant les composants controversés souvent présents dans les protections jetables classiques, la durabilité, avec des produits lavables qui réduisent drastiquement les déchets menstruels, et l’éducation menstruelle, en accompagnant les jeunes filles vers une autonomie sereine, loin de la honte ou de la gêne.
En proposant des alternatives alignées avec les valeurs d'une génération plus informée et plus engagée, Teenflo contribue à changer la norme menstruelle dès l’adolescence, tout en préservant la planète.
Freeyaa propose une initiative innovante en offrant gratuitement des protections périodiques de qualité, grâce à un modèle de financement basé sur la publicité. Ce concept rend non seulement les produits menstruels plus accessibles, mais ouvre également la voie à de nouvelles méthodes de financement durable dans le secteur de la santé féminine.
Par ailleurs, Moonlikate se distingue par son approche originale visant à transformer l’environnement de travail. À travers des formations, des ateliers, et même un serious game, cette initiative cherche à sensibiliser les employeurs et les collègues à l’importance de prendre en compte les besoins liés aux menstruations. L’objectif est de déstigmatiser les conversations autour des règles et d’adapter le lieu de travail pour qu’il soit plus inclusif et attentif aux réalités menstruelles.
Les statistiques concernant les problèmes de santé menstruelle révèlent une réalité souvent sous-estimée, aux conséquences profondes sur la vie des femmes et des personnes menstruées à travers le monde. Une femme sur cinq — soit environ 370 millions de personnes — souffre de crampes menstruelles sévères, tandis que des affections plus graves, telles que l’endométriose et le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), touchent chacune près de 186 millions d’individus selon une étude publiée dans The Lancet.